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13 août 2011

Faut m'excuser mais les histoires de titres, je commence à fatiguer.

Comme beaucoup d'entre nous, j'ai passé une partie de ma vie (mon enfance) en Afrique, avant de débarquer en France, même si je suis née à Paris.
Arrivée en France j'ai du me familiariser avec le froid, l'absence d'accents, les grossièretés dont j'avais été jusqu'ici préservée, un état d'esprit bien particulier et bien d'autres choses. Mais surtout, surtout, j'ai du m'habituer aux remarques... Désobligeantes. Pas racistes, mais désagréables. 

Vous savez, on a tous été confrontés au moins une fois à des inepties du genre "y a des routes chez toi ?" "t'es venu en avion ou en bateau ?" "Comment ça se fait que tu saches parler français si tu viens d'Afrique ?". Et encore, là je ne dis trop rien, c'est juste de l'ignorance.

La ville de Nairobi 

La remarque qui m'a le plus fait tiquer était: Tu ne ressembles pas à une vraie noire.
Longtemps je n'ai rien dit. Ou du bout des lèvres. Je me suis posé des questions sur moi. "Je ne ressemble pas à une vraie noire, est-ce que ça veut dire que je n'en suis pas une ? Est-ce que ça remet en cause le fait que je sois une africaine assumée et fière ? Est-ce que les autres noirs pensent que je ne ressemble pas à une "vraie" noire non plus ? A quel groupe appartiens-je alors ?" 
Beaucoup de questions pour peu voire aucune réponse. J'ai gardé ça pour moi même si -je ne saurai pas trop expliquer pourquoi- j'avais été profondément blessée. 
A 14 ans, et après avoir déménagé dans le Centre,  j'entre au lycée (je suis en avance) et on me fait la même remarque. Je n'y prête même plus oreille, je m'y étais imperméabilisée. Mais on rajoute encore quelque chose qui là, devient insoutenable: "tu n'es pas une vraie noire". Je me rappelle que j'avais 16 ans, et c'était pendant la pause entre une heure de maths et une autre d'SVT. J'avais avalé mon chewing-gum sur le coup et regardé mon interlocuteur avec tant de froideur que lui même s'est excusé sans que je n'aie à ouvrir la bouche. "Tu n'es pas une vraie noire" mais qui était-il pour me dire ça ?


Le mannequin Atong Arjok

En repensant à cet épisode j'ai demandé hier à un ami. "Tu trouves que je ne ressemble pas à une 'vraie' noire / Que je ne suis pas une vraie noire ?" et il m'a répondu oui. J'ai donc demandé pourquoi. Et venant d'un ami, sa réponse fait vraiment drôle: "Physiquement, t'as pas vraiment un gros nez, il est même mignon; t'as une bouche en coeur, pas de grosses lèvres; t'as les traits du visage supers fins; t'as même les yeux en amande, c'est pas très noir tout ça. Mentalement je sais pas, t'es pas une vraie noire. Regarde, tes parents n'ont même pas une once d'accent, tu n'as pas énormément d'amis noirs non plus, tu ne t'habilles pas comme eux, tu ne parles pas comme eux, tu ne te tiens pas comme eux". 

Et là j'ai compris. J'ai compris que pour eux, les "vrais" noirs, étaient les représentations de Tintin au Congo aux traits vraiment grossiers, la quintessence caricaturale du noir était pour eux le "vrai" noir. 
Qu'ils assimilent les noirs à des jeunes désœuvrés des quartiers moins favorisés qui traînent en bande, dont les parents s'expriment avec difficulté. Eux-même parlent un français assez alternatif,  et se comportent mal (bien qu'on soit d'accord, tous les jeunes de cités ne sont pas comme ça mais que voulez-vous...). 



Je me suis demandé comment ça pouvait être possible. Je n'ai pas eu à me poser la question bien longtemps: la médiatisation. Lorsque l'on fait des reportages, quelle Afrique montre-t-on ? Celle qui vit, qui sourit et qui malgré la misère relève la tête ? Les quartiers agréables aux routes bien goudronnées, aux jardins fleuris et aux maisons bien entretenue ? Va-t-on interviewer des personnes qui parlent un excellent français et dont les diplômes imposeraient le respect ? Non. Jamais. Alors même si je ne leur en ai jamais vraiment voulu pour ces remarques, je ne peux VRAIMENT pas leur en vouloir. Mais j'aimerai que cela cesse. 



A l'heure où j'écris, le projet FashizBlack Magazine -qui n'est plus à présenter- avance à grands pas. Nous sommes à $1258 du but et d'ici ce soir tout cela devrait être atteint. Vous vous demandez sûrement pourquoi je parle de ça ? Eh bien parce qu'avec ce magazine, j'ose espérer que d'autres jeunes s'en inspireront et que peu à peu les choses changeront. Qu'à terme, les médias se tourneront de plus en plus vers cette belle Afrique, ces jeunes qui se prennent en main, croient en leur rêves et font tout pour les réaliser. Ces jeunes qui ne se laissent plus être victimes des médias, qui ne veulent plus subir le manque d'attention qu'on leur porte et contournent le problème en permettant à un magazine de qualité qui leur ressemble et les comprends de se faire une petite place dans les kiosques. Nous faisons ici, un pas en avant. Alors un gros Shout Out à tous les #FashizBacker, et pour ceux qui trouveraient l'envie au terme de cette lecture c'est par ici http://www.kickstarter.com/projects/1042945362/fashizblack-magazine . 

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1 commentaire:

Lliv a dit…

J'ai ... Comment dire ? Juste adoré ton texte, je me reconnais dans chacune de tes phrases. De même, j'ai vécu dans une petite ville française dans le Nord où les questions de la cour de récré sont "apprends-moi à parler l'africain ?" "Tu dois être habituée à la chaleur toi" ... Euh, next ? Parce qu'on vit dans une maison comme tout le monde avec un jardin, parce qu'on écoute du rock de l'électro et non pas du rap, parce que mon père n'a pas d'accent et qu'il représente les élèves au conseil de classe, parce que j'ai eu mon baccalauréat mention bien ...

Et je n'ai jamais su quoi répondre. Ainsi, Fashizblack est une excellente initiative qui répond à nos besoins, et qui ne peux que casser les stéréotypes liés aux cultures africaines.

Bravo, félicitations pour ton article qui m'aide à comprendre que nous ne sommes pas seules et qu'ensemble, les coudes serrés, l'on peut construire un projet :).